1. La gestion quotidienne et la gestion du patrimoine
La plupart des fabriques d’église ont un compte à vue pour la gestion quotidienne et un compte d’épargne pour y mettre l’argent dont on n’a pas immédiatement besoin. Pour ce qui concerne les comptes à vue, il n’y a aucun doute quant à l’affectation comptable : tout compte à vue est (et reste) affecté à la gestion quotidienne et le solde financier de ce compte fait partie du boni comptable (= le résultat du compte annuel). Point final.
Pour les comptes d’épargne, par contre, la situation n’est pas si simple. À globalement parler, il existe deux affectations possibles :
- L’affectation à la gestion quotidienne : on parlera d’un compte d’épargne “gestion quotidienne”.
- L’affectation au patrimoine de la fabrique : on parlera d’un compte d’épargne “patrimonial”.
La distinction est cruciale et étroitement liée aux obligations communales – que nous récapitulons ci-dessous :
- La commune intervient dans le cas où les recettes ordinaires (et le résultat présumé) ne suffisent pas pour couvrir les dépenses ordinaires budgétisées. C’est le supplément communal ordinaire que l’on met à l’art. R17 dans le budget (R15 pour les fabriques d’église protestantes) pour équilibrer en cas d’insuffisance. Pour le service ordinaire, les moyens propres de la fabrique (= le patrimoine privé) n’entrent donc pas en ligne de compte; uniquement les intérêts sont repris dans le budget (tout comme le produit du patrimoine à globalement parler : les loyers, les fermages, etc.).
- Pour le service extraordinaire, la commune intervient pour les grosses réparations aux édifices affectés au culte; ici non plus, la fabrique d’église n’utilisera pas son patrimoine pour financer.
Autrement dit, en principe, le patrimoine de la fabrique reste intact et la fabrique d’église veillera à optimiser le produit de son patrimoine pour réduire au maximum l’éventuelle intervention communale ordinaire, en bon père de famille. Le capital affecté au patrimoine de la fabrique a donc le même statut que les propriétés immobilières privées de la fabrique d’église (les maisons, appartements…) : on les maintient tout en optimisant les revenus afin de garantir une gestion ordinaire saine et durable.
Ceci étant dit, la fabrique doit distinguer clairement le financier affecté à la gestion quotidienne et le capital patrimonial. Et pour le compte d’épargne, ça peut aller dans les deux sens.
Schéma global :
Illustrons avec trois exemples concrets. On part d’un contexte où le service extraordinaire ne bouge pas, pour simplifier les choses.
2. Trois exemples concrets
1er exemple. La fabrique d’église Saint-Martin
Boni : 5.215,15 euros
Financier :
- Compte à vue : 3.215,15 euros
- Compte d’épargne : 2.000,00 euros
- Total : 5.215,15 euros
Patrimoine :
- Dossier-titre de 5.000,00 euros
Le boni comptable correspond aux moyens disponibles sur le compte à vue et le compte d’épargne. La fabrique utilise son compte d’épargne pour la gestion quotidienne. Ce solde est repris dans le boni et n’a rien à voir avec le patrimoine (où il y a uniquement un dossier-titre, qui, lui, est repris dans la situation patrimoniale).
2ème exemple. La fabrique d’église Saint-François
Boni : 5.215,15 euros
Financier :
- Compte à vue : 5.215,15 euros
Patrimoine :
- Compte d’épargne : 2.000,00 euros
Les moyens disponibles sont sur le compte à vue et coïncident parfaitement avec le boni comptable.
La fabrique a également un compte d’épargne, mais celui-ci concerne le patrimoine. L’argent dessus n’a rien à voir avec la gestion quotidienne. Il s’agit, par exemple, d’un dossier-titre historique, qui n’a pas pu être replacé par manque de formule intéressante, ou d’un fonds de réserve ; la fabrique a mis l’argent sur un compte d’épargne clairement distinct des moyens disponibles et ce compte est affecté au patrimoine. La fabrique d’église transfère les intérêts (éventuels) du compte d’épargne au compte à vue, où ceux-ci seront encodés comme une recette ordinaire (avec un impact logique sur le boni). Les intérêts sont ainsi incorporés dans le compte annuel.
Pour utiliser l’argent du compte d’épargne, la fabrique devra le transférer sur le compte à vue et l’encoder comme recette extraordinaire (car capital “patrimonial”!) à l’art. R23 (placement venu à échéance) ou R28 (s’il s’agit d’un fonds de réserve). Si ce capital retourne au compte d’épargne, le trésorier encodera une dépense extraordinaire (D53 ou D61).
Le compte d’épargne est repris dans la “situation patrimoniale”, où l’évolution du solde sera visible.
3ème exemple. La fabrique d’église Saint-Médard
Boni : 5.215,15 euros
Financier :
- Compte à vue : 3.215,15 euros
- Compte d’épargne : 2.000,00 euros
- Total : 5.215,15 euros
Patrimoine :
- Compte d’épargne : 1.000,00 euros
La fabrique d’église a deux comptes d’épargne : le premier compte d’épargne est affecté à la gestion quotidienne et l’autre est “patrimonial”. Il s’ensuit que le montant sur le premier compte fait partie du boni comptable et que le solde de l’autre compte n’en fait pas partie mais est renseigné dans la situation patrimoniale.
3. En conclusion, que faut-il retenir ?
- L’affectation d’un compte bancaire aux moyens disponibles ou au patrimoine est en principe définitive ; pour maintenir la cohérence comptable (et patrimoniale), on ne change pas l’affectation d’un compte bancaire, bien que cela puisse être utile pour régulariser une situation historique ou pour réorganiser les moyens (décision à motiver !).
- Les obligations communales sont claires et les moyens propres de la fabrique n’entrent pas en ligne de compte pour l’insuffisance ordinaire ni pour financer les grosses réparations aux édifices affectés au culte.
- Le produit du patrimoine (les intérêts, les loyers, les fermages…) est toujours incorporé dans le service ordinaire.
- L’affectation des comptes est clarifiée au niveau du compte annuel :
- Les moyens disponibles sont documentés via les extraits bancaires (complets !) en annexe au compte annuel ;
- Les moyens affectés au patrimoine sont documentés via la situation patrimoniale, également en annexe au compte annuel (et au budget).
- Le conseil de fabrique et les autorités de tutelle pourront suivre l’évolution des moyens disponibles via les extraits bancaires en annexe au compte et celle du patrimoine sur base de la situation patrimoniale, d’année en année. La transparence est donc garantie grâce aux annexes au compte annuel.
Pour rappel : avant la clôture du compte annuel, on “replace” les moyens patrimoniaux disponibles sur un compte bancaire affecté à la gestion quotidienne pour éviter que le boni soit gonflé par des moyens qui n’ont rien à voir avec la gestion quotidienne. De cette façon, le résultat du compte annuel retombe toujours sur son niveau “ordinaire”. Pour y arriver :
- On replace “vraiment” avec un dossier-titre ou autre formule.
- On met l’argent sur un compte bancaire affecté au patrimoine (compte d’épargne “patrimonial”).
En tout cas, les moyens patrimoniaux sont censés retourner au patrimoine au plus vite sauf s’ils sont utilisés pour alimenter des projets spécifiques, sur base du budget.