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Les marguilliers

Les marguilliers - hier et aujourd'hui

 

Introduction

Les origines des marguilliers remontent au Moyen-Âge. Les paroisses gagnant en autonomie, elles font appel à des laïcs pour leur gestion. On les appelle déjà « marguilliers » (ou marreglier / marguelier / marlier), du latin matricularius (= qui tient un registre ou un rôle (matricula) ») (1). Le nom s’est d’ailleurs glissé dans plusieurs noms de famille qui ont survécu jusqu’aujourd’hui : Margu(i)llier, Margulies, Mardulier, Manguillier, mais aussi les nombreux dérivés de la forme ancienne plus courante : Marlie, Marlier, Marly, Merli, Merlier, Morlie, Marlière (Marliere), Marrière, Morlière, ces dernières variantes ayant probablement été confondues, à un certain moment donné, avec l’ancien français marlière (signifiant « marnière », « carrière de marne », d’où le nom de famille Demarlier). (2)

La répartition géographique du nom Marlier (2000 - 2023) (c) geneanet - https://www.geneanet.org/nom-de-famille/ 

Au début du XIXème siècle, les réformes (notamment celles du Concordat et du Décret impérial) ont garanti la continuité des marguilliers, qui assumaient la responsabilité de la gestion des biens des fabriques d’église et la gestion courante à globalement parler au sein d’un « bureau ». Pendant deux siècles, et jusqu’à la régionalisation de certaines compétences liées aux cultes reconnus, la situation est restée inchangée partout en Belgique, au moins sous un angle juridique. Au fil des années, les compétences distinctes du bureau s’évaporaient dans certaines parties du pays pour être reprises par le conseil ou les dignitaires individuels.

En Région flamande, le bureau des marguilliers (« kerkmeesters »), qui n’était plus valorisé du tout depuis un certain temps, a été aboli suite à la réforme régionale des cultes reconnus il y a presque vingt ans. La Région de Bruxelles-Capitale et la Communauté germanophone (à laquelle certaines compétences sur les cultes reconnus ont été déléguées par la Région) ont également supprimé le bureau. Bref, la Région wallonne (sans inclure la Communauté germanophone) est la seule à avoir maintenu le bureau des marguilliers jusqu’à présent, les autres régions adoptant un régime où il ne reste plus qu’un seul organe compétent pour l’ensemble des attributions liées à la mission et à la gestion de la fabrique d’église : le conseil de fabrique.

Signalons que la présence de deux organes (l’un légiférant, l’autre exécutif) présente un parallélisme avec les autres pouvoirs locaux (communes, CPAS, …): dans les communes il y a le conseil communal et le collège des bourgmestre et échevins, dans le CPAS le conseil est flanqué par le bureau permanent, présidé par le président du CPAS.

 

Les fabriques d’église wallonnes (francophones)

De nos jours, le bureau des marguilliers en Région wallonne semble évoluer dans le même sens que c’était le cas dans les autres parties du pays il y a quelques décennies : il devient de moins en moins dominant et son rôle semble repris par les dignitaires individuels et par le conseil de fabrique, bien que, à juridiquement parler, presque rien n’ait changé quant aux obligations. Chaque fabrique d’église compte donc, en principe, toujours deux organes : un conseil (comme organe légiférant, qui prend toutes les décisions importantes liées à la mission et à la stratégie) et le bureau (comme organe exécutif) ; leurs attributions sont distinctes et à respecter.

Quant à sa composition, le bureau des marguilliers comprend trois membres du conseil de fabrique et le curé (ou desservant), comme membre de droit (art. 13 du Décret impérial). À ce niveau, rien n’a changé non plus depuis l’entrée en vigueur du Décret impérial au début du XIXème siècle. Les membres sont le trésorier, le président du bureau et le secrétaire du bureau, élus parmi les membres du conseil de fabrique. Très souvent ce sont le président du conseil et le secrétaire du conseil qui sont élus président et secrétaire du bureau ; autrement dit, deux personnes assument les deux mandats (le cumul des mandats de président ou de secrétaire au sein d’un seul et même organe restant bien entendu interdit).

Sièges pour les marguilliers - (c) Erfgoedinzicht.be

Signalons qu’il est interdit aux parents ou alliés d’être en même temps membres du bureau, « compris le degré d’oncle et de neveu » (art. 14 du Décret impérial). Des trois marguilliers, un sortira du bureau après un an, le deuxième après deux ans et le troisième la troisième année (art. 15 du Décret impérial). De cette façon, un tiers du bureau se renouvelle chaque année, si on suit la logique du Décret. Après ce premier cycle, ce seront toujours les marguilliers les plus anciens qui devront sortir. Clairement, en réalité on ne suit plus ces démarches compliquées, et ont fait coïncider le renouvellement du bureau avec le renouvellement du conseil de fabrique (voir les directives du Diocèse).

Le bureau étant en charge de la gestion courante, il est censé se réunir chaque mois (art. 22 du Décret impérial) et a son propre registre de délibérations, reprenant toutes les décisions prises lors de ses sessions et dument signées par le président et le secrétaire du bureau. Le président pourra convoquer le bureau pour des cas extraordinaires, soit sur la demande du curé.

 

Les compétences du bureau

Sur base du Décret impérial, le bureau compte parmi ses compétences :

  • La préparation du budget (et les autres « affaires qui doivent être portées au conseil » (art. 24) ; le compte annuel, par contre, est préparé par le trésorier et présenté au bureau (art. 85)).
  • La gestion courante à globalement parler (entretien et réparations ordinaires (art. 41), location des biens, exécution des charges de fondations (art. 26), le personnel (nomination et révocation) (art. 33)).
  • Accepter les dons et legs (art. 59).
  • Arrêter les marchés (art. 28).
  • Location et fermage des biens immobiliers (art. 60).

En réalité, le trésorier se charge souvent de ces tâches quotidiennes concernant les réparations, ce qui est d’ailleurs littéralement prévu dans le Décret impérial : « Les marguilliers, et spécialement le trésorier, sont tenus à ce que toutes les réparations soient bien et promptement faites » (art. 41) ; il s’en charge de nos jours souvent sans réunions mensuelles du bureau. Au cas où, il vérifie avec les collègues, afin d’avoir l’aval nécessaire et ensuite les choses sont réglées lors de la prochaine réunion du conseil de fabrique (4 ou 5 sessions, au moins, par année, ce qui pour les petites fabriques suffit amplement).

Historiquement, la compétence du bureau pour les réparations était d’ailleurs strictement limitée à une proportion spécifique, outre le seuil duquel le conseil devrait s’en charger (« toutes les dépenses extraordinaires au-delà de cinquante francs dans les paroisses au-dessus de mille âmes, et de cent francs dans les paroisses d’une plus grande population » (art. 12)).

Le bureau n’est pas compétent si le budget ordinaire ne suffit pas : il en fera rapport au conseil pour que celui-ci puisse en délibérer (art. 43). Ici aussi, en réalité, c’est le trésorier qui de plus en plus fait le suivi des travaux et qui signale au conseil ce qu’il en est de l’impact budgétaire. 

Le Décret impérial prévoit également une obligation de présenter un rapport trimestriel quant aux finances de la fabrique : le trésorier prépare les bordereaux trimestriels et les présente au bureau afin de certifier « la situation active et passive » de la fabrique quatre fois par an. On constate que la routine de présenter le bilan financier trimestriellement se perd parfois, bien qu’il reste pourtant utile d’avoir un suivi précis et détaillé en cours d’exercice, surtout pour les fabriques où la gestion courante est lourde. Ce point mérite toute l’attention lors des réunions du conseil de fabrique également, en fonction des modifications budgétaires éventuelles et des autres décisions importantes à prendre. Le trésorier insistera au moins sur les évolutions financières, comptables et patrimoniales dignes de mention. Ces démarches ne sont pas enracinées dans les procédures de tutelle, bien qu’il reste obligatoire de joindre ces éléments en annexe au compte annuel (les extraits bancaires et la situation patrimoniale). 

Armoire à trois clés; les trois marguilliers y avaient accès lorsqu'ils se réunissaient (c) wikicommons

 

Le bureau des marguilliers en évolution

Le lecteur attentif aura déjà constaté (et probablement reconnu) que sur plusieurs points, les démarches prévues par le Décret impérial sont remplacées par des routines « pragmatiques », réduisant ainsi la surcharge de se réunir pour toutes sortes d’affaires et d’évoluer vers une administration plus légère. 

Certaines fabriques ne distinguent même plus le bureau à proprement parler et travaillent comme s’il n’y a plus que le conseil de fabrique : les compétences du bureau y semblent reprises par le conseil, situation qui n’est pourtant pas permise au niveau du Décret impérial, car une délégation dans ce sens (de manière explicite ou implicite) n’est pas prévue.

Nombreuses sont les fabriques qui se rendent toujours compte de la distinction entre les deux organes, mais qui, comme signalé ci-dessus, réduisent la complexité et opèrent un cumul pour les deux présidents et les deux secrétaires. Les attributions du bureau ne sont plus valorisées pour le reste (on ne se réunit plus comme organe distinct et c’est plutôt le trésorier qui prépare à lui seul le budget etc.), mais on sait qu’il y a toujours les deux organes.

La situation semble différente pour les grosses fabriques, où en fonction de la gestion plus lourde et plus complexe, les deux organes fonctionnent comme auparavant, avec un bureau vraiment actif assumant son rôle au maximum. Le travail se répartit équitablement et les deux organes se contrôlent l’un l’autre. Ces grosses fabriques, dont le conseil compte d’ailleurs en principe quatre membres supplémentaires, se voient moins vite confrontées au souci des ressources humaines, ce qui leur permet de valoriser plus facilement les deux organes sur base des stipulations du Décret impérial. Pour les petites fabriques, la gestion moins lourde de l’ensemble des activités et le manque de disponibilités poussent indéniablement dans l’autre sens.

Au niveau de la réforme régionale de 2014 (« le Décret Furlan »), le bureau n’est pas entré en ligne de compte : le focus reste entièrement sur le conseil de fabrique. Il subsiste, pourtant, quelques exceptions à cette règle et dans certains cas précis le rôle du bureau est toujours tangible au niveau de la tutelle. Avant tout, le rôle du bureau est interne, bien qu’il y ait quelques tentacules. D’abord, le mandat de paiement doit toujours être signé par le président et par le secrétaire du bureau ; c’est le document à joindre au dossier du compte annuel pour chaque dépense reprise dans le dossier. L’impact du bureau y est donc assez direct, surtout si une discussion quant à la légitimité d’une dépense mandée surgit. Un deuxième élément concerne le respect de la législation sur les marchés publics, où il revient également au bureau de statuer sur les décisions prises quant à l’attribution (mais pas sur celles relatives au mode de passation). Idem pour les contrats de fermage et de location, où c’est toujours le bureau qui est censé signer les documents officiels. Signalons d’ailleurs que pour ce qui concerne la composition du conseil de fabrique communiquée à la tutelle (le formulaire signalétique repris dans les comptes et budgets), il n’est pas fait mention des marguilliers à proprement parler.

Inscription dans le banc des marguilliers - Saint-Ayoul à Provins (Seine-et-Marne, France) (c) wikicommons

 

Que faut-il retenir ? 

Le bureau des marguilliers est en pleine évolution mais peut toujours être valorisé au maximum. S’il n’est plus possible ou opportun d’opérer une scission nette entre les deux organes (avec des mandataires distincts), le fait d’élire le président et le secrétaire du conseil comme président et secrétaire du bureau suffit au moins pour la cohérence juridique des documents les importants du bureau, qui sont transmis à la tutelle. Avant tout, suivez les directives de votre diocèse afin de garantir une gestion interne logique et adéquate. 

 

 

(1) REY, Alain, Le Robert – dictionnaire historique de la langue français, 1992.

(2) DEBRABANDERE, Frans,  Woordenboek van de familienamen in België en Noord-Frankrijk, 2003.

 

Pour en savoir plus des évolutions des fabriques d'église en Wallonie, voir la réédition récente: 

Les fabriques d'église en Wallonie - Husson J.-F. (ed.) (2023)

Les fabriques d'église en Wallonie