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Le décret sur la protection du patrimoine mobilier entre en application

Le parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a adopté en mars 2022 un nouveau décret visant à mieux protéger le patrimoine culturel mobilier. Une attention particulière est portée sur le mobilier religieux.  Par ce texte important, la ministre de la Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles rencontre les préoccupations du CIPAR qui regrettait le manque de protection juridique du mobilier des églises paroissiales.

Depuis les différentes réformes de l’état, c’est la Fédération Wallonie-Bruxelles qui est compétente en matière de protection du patrimoine mobilier, alors que la protection de l’immobilier incombe aux régions. Un premier décret avait été adopté par la Fédération en 2002 qui méritait des précisions et des améliorations.

En décembre dernier, l’arrêté d’application du décret a été publié par la ministre. Ce texte donne quelques précisions qui concernent la gestion du patrimoine conservé dans les églises paroissiales. Les dispositions sont d’application dès ce 1er janvier 2023.

 

L’inventaire du patrimoine religieux : un délai de 5 ans

Le nouveau décret considère le patrimoine religieux de façon indépendante. Sans se préoccuper des questions de propriété, le législateur définit le patrimoine religieux comme l’ensemble des biens culturels placé sous la responsabilité d’une fabrique d’église. Ces objets doivent faire l’objet d’un inventaire descriptif qu’il convient de transmettre à l’administration du patrimoine.

Certes, cette obligation n’est pas neuve. Elle figure déjà dans la loi sur les fabriques d’église qui remonte à 1809, mais, en reprenant à son compte cette disposition, la Fédération Wallonie-Bruxelles rappelle l’importance de l’inventaire comme axe principal de toute politique de conservation du patrimoine. Dans les commentaires qui accompagnent le décret, la ministre évoque le rôle particulier que doit jouer le CIPAR comme articulation entre les fabriques d’église et l’administration de la culture. 

L’arrêté d’application apporte quelques précisions. Il demande que les inventaires soient transmis à l’administration du patrimoine culturel dans un délai maximum de 5 ans à partir de son entrée en vigueur. Il s’agit d’un fameux défi pour les fabriciens. Il y a, en Wallonie, environ 2 000 fabriques d’église responsables de 2 500 églises. On peut estimer que 800 fabriques ont terminé ou sont en passe de terminer l’inventaire de leurs églises. Le chantier reste donc très important.

Le CIPAR et les administrations diocésaines du patrimoine sont bien conscients des difficultés que cette obligation et cette échéance vont représenter pour certaines fabriques d’église. En milieu rural, nombreuses sont celles qui peinent à renouveler leurs membres. L’encadrement des fabriciens est plus que jamais indispensable.

Enfin, signalons qu’en cas de fusion de fabriques d’église, l’inventaire du patrimoine qui recense la destination des objets détenus par les fabriques avant fusion doit être transmis à l’administration dans l’année qui suit la fusion. L’inventorisation du mobilier fait donc partie inhérente du processus de fusion.

 

Les biens d’intérêt patrimonial : une meilleure protection

Un autre apport du décret est de définir une nouvelle catégorie d’objets culturels, les biens d’intérêt patrimonial. À côté des trésors, le législateur veut étendre la protection à des biens dont la qualité ou le caractère exceptionnel n’est pas suffisant pour mériter un classement, mais qui suppose néanmoins une réelle protection en raison de leur valeur artistique, historique, archéologique, ethnologique ou scientifique. Ils sont nombreux dans nos églises.

L’arrêté d’application précise les modalités administratives pour que des objets figurent sur la « liste des biens d’intérêt patrimonial ». Comme pour la catégorie « trésor », les demandes d’inscription sont traitées par la Commission consultative du patrimoine culturel de la Fédération Wallonie-Bruxelles sur base de dossiers réalisés par les fabriques, les administrations diocésaines ou directement l’administration.

L’inscription sur la liste suppose que tout déplacement ou mesure d’entretien-restauration doit être communiquée à l’administration de la culture et du patrimoine.

 

Classement au titre de trésor :  inclure un maximum de biens exceptionnels

Le sommet de la pyramide patrimoniale reste la catégorie des trésors. La notion de « trésor », les procédures de classement et les mesures de protection figuraient déjà dans le décret de 2002. Le gouvernement souhaite accroître cette liste afin de protéger un maximum de biens exceptionnels qu’ils soient religieux ou non. Les fabriques d’église sont sollicitées pour suggérer des classements à l’administration. Les fabriques ont d’ailleurs tout intérêt à faire des propositions afin de valoriser au mieux leur patrimoine. Ici aussi, le CIPAR doit servir d’aide aux fabriques et devenir une véritable courroie de transmission entre les fabriques et l’administration du patrimoine culturel.

 

Le décret épiscopal

Les mesures de protection proposées par la ministre sont réalistes sans être trop contraignantes. Elles ont force de loi et s’adressent à tous les acteurs civils et religieux.

Il faut toutefois rappeler que le décret épiscopal donné par les évêques francophones le 28 octobre 2016 reste en vigueur et s’adresse aux fabriques d’église en tant que propriétaire ou dépositaire de mobilier religieux.

Ce décret impose que tout déplacement, restauration, prêt ou mise en dépôt doit faire l’objet d’une autorisation par l’autorité diocésaine. Il en est de même de l’aménagement ou de la restauration des lieux de culte.

 

Accentuer la présence sur le terrain

Le décret et l’arrêté d’application proposent des mesures de protection attendues et nécessaires. Les solutions envisagées sont exigeantes, mais restent toutefois réalistes. Elles tiennent compte du grand nombre d’acteurs qui œuvrent au service des fabriques d’église avec souvent beaucoup de générosité mais sans compétence professionnelle particulière en matière patrimoniale ou en matière informatique.

En augmentant les moyens mis à disposition du CIPAR, la ministre entend renforcer l’encadrement des fabriques. C’est maintenant à tous les acteurs d’église de collaborer pour atteindre ces objectifs ambitieux.

 

Christian Pacco

Administrateur-délégué du CIPAR